Un peu d’histoire

Laeken au XXième siècle

Peu après la Première Guerre Mondiale, la commune de Laeken regroupait 40.000 habitants environs. On la dénommait « Bruxelles deuxième district ». C’est en 1921 qu’elle fut annexée à la Ville de Bruxelles sous la gouvernance du Bourgmestre Adolphe Max (simultanément aux communes de Neder-Over-Heembeek et Haeren).

Cependant, la rue Marie-Christine, était encore vue au début du siècle comme un faubourg du centre de Bruxelles (tout comme Saint-Josse, Schaerbeek, Saint-Gilles, Ixelles et Etterbeek). C’est également à cette époque que l’essor des salles de cinéma à Bruxelles se fit sentir. En effet, suite à la Grande Guerre et grâce au développement de l’industrie du cinéma (muet jusque 1927), la population éprouvait un besoin d’évasion, de prise de distance avec le quotidien.

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La Rue Marie-Christine vers 1910

La naissance des cinémas à Laeken

Ainsi, la majorité des cinémas commencèrent à s’implanter à front de rue Marie-Christine mais également sur les rues commerçantes qui constituaient la principale attraction des quartiers. De cette manière, l’architecture des cinémas vint contribuer d’un côté au développement du quartier et de l’autre à son projet collectif.

Les salles de quartiers étaient, de plus, tenues par des familles d’exploitants qui possédaient plusieurs cinémas et se concurrençaient vivement (voir Gaston Soudan). Car en effet, le Cinéma Rio (28 séances/semaine) et le Ciné Christine additionnés au Cinéma Wagram pouvaient atteindre un potentiel total de 2455 fauteuils pour le quartier !

Durant la première moitié du XXème siècle 3 salles de cinéma fonctionnant simultanément furent répertoriées le long de la rue Marie-Christine.

L’Odéon (qui deviendra après le Cinéma Rio)

A l’origine, il n’y avait pas une salle de ci néma mais deux petites maisons de maître contruites vers 1882 dans une rue bien ani mée de Laeken, la rue Marie-Christine. 

C’est ainsi qu’en 1910 la première de mande d’autorisation de bâtir est introduite par la Veuve Dierickx. Celle-ci résidant un peu plus haut dans la rue, fait effectivement l’acquisition de la maison au numéro 102. Elle désire en réalité transfor- mer la cour arrière en un magasin et une remise. 

Les Almanachs de Bruxelles mentionnent deux ans plus tard au numéro 102 : « Dierickx Vve, cabaretière, Bonne Source (La), eaux et limonades gazeuses (fabrique).»  Nous émettons ainsi l’hypothèse que cet estaminet au n°102 accueille aussi un atelier de fabrication de limonade peut-être tenu par la Veuve Dierickx-même. 

En février 1913 cette dernière introduit une demande de permis de bâtir pour construire à l’arrière du numéro 102 une salle des fêtes à l’usage d’un cinéma. Malheureusement, les plans de ce projet ne comportent aucune si- gnature nous permettant d’identifier son au- teur. 

Quelques années plus tard en 1916, on retrouve à nouveau dans les Archives de la Ville de Bruxelles un projet pour le cinéma Odéon qui est élargi sur la parcelle voisine au numéro 100 et dont les plans sont cette fois signés par l’architecte Z. Juniet. 

Le 15 juillet 1930 le bâtiment prit une toute nouvelle tournure. Un permis de construire fut introduit pour réaliser des aménagements architectu- raux majeurs : démolition de la façade pour élargir l’entrée principale et celle de lasalle, modification de la scène et enfin l’installation de sanitaires et d’une nouvelle cabine de projection. Le tout, dans le style tendance de l’époque, l’Art Déco.

Le 11 novembre 1935, le cinéma change de nom. L’ancien Odéon devient le Ciné Rio. Les années passent, les techniques de construction, de cinématographies et les styles architecturaux évoluent.

Dans les années 50, le Rio va être remis à neuf, adapté aux dernières technologies cinématographiques et conservera sa place privilégiée comme cinéma de quartier rue Marie-Christine.

Il y avait 890 places réparties sur le parterre et deux balcons. L’écran mesurait 6m sur 5,5m et était placé à 26m de la cabine de projection (située au 2ème étage).

Dans les années 70, le Rio et son exploitant Gaston Soudan lâchent prise face à la concurrence démesurée induite par la télévision et particulièrement par l’émergence des complexes de salles de cinéma gigantesques.

La dernière projection se déroule le 26 juin 1975 avec probablement « Les Bidasses en Folies », voir photo ci-droite.

Le Rio ferme définitivement ses portes le 26 juin 1975.

C’est ainsi que la gestion du bien est reprise par laS.A. Delhaize qui introduit en 1975 un permis pour la transformation intérieure du bâtiment. Les travaux prévus sont lourds et irréversibles…

Ils viennent couper en deux la salle de projection par la mise en œuvre d’un faux-plafond suspendu à la structure de toiture qui permet l’isolation du RDC vis- à-vis du reste du volume.




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Cinéma Rio reconverti en magasin, 1995. Source : Association de Vrienden van LACA

Le Wagram

En face du cinéma Rio, en 1955, un permis fut délivré pour démolir au n°89 un atelier de Bonneterie (commerce d’articles d’habillement en tissu de maille) et construire un cinéma. L’architecte en charge des travaux était Roger Lemaire (voir les salles Piron, de la Chée d’Ixelles, du Star, de celui Place Anneessens et du Cinevox).

Sa salle était conçue en forme de L et faisait 18,5m de profondeur sur 8,2m de largeur (côté écran) pour 135m2 et 376 places assises.

L’écran mesurait 7 x 3,8m et était placé à environs 22,5m de la cabine de projection. Elle était décorée de lambris, de panneaux en staffs décoratifs ainsi que de lampes murales en forme de fleurs en fer forgé. Le plafond était en pente.

Dans le hall d’entrée, il y avait deux fois trois portes ceinturant un guichet central. Derrière celui-ci, un plan incliné donnait accès à la salle et aux escaliers qui menaient au balcon. La façade était surmontée sur toute sa largeur par un large calicot (panneau publicitaire) lui-même prolongé par un auvent. Derrière, au 2ème étage se trouvait la cabine de pro- jection.

Malheureusement le Wagram, dernière salle de projection du quartier, ferma ses portes le 17 juin 1976.
Il fut rapidement transformé en magasin de tapis et le cinéma disparu…

Source d’informations : VAN KRIEKINGE, Daniel, “De bioscoopzalen van Laken”, LACA tijdingen, Tijdschrift jaargang 6, num. 2, december 1994

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Façade du Walgram (non datée).
Source : Collection de Raymond Van Thournou

Le Christine

En haut de la rue Marie-Chris- tine au n°198, on retrouvait leChristine.

Un permis fut délivré en 1931 pour réaliser un cinéma au rez- de-chaussée et une salle de danse de 300m2 dans la cave de la maison. L’architecte était Guillaume Du Croix .

La salle rectangulaire faisait 35,5 x 14m pour un total de 497m2.

Il n’y avait pas moins de 1125 places !

L’écran mesurait 6×4,8m et était placé à 36,5m de la cabine de projection. La façade fai- sait 9m de largeur avce deux entrées: une pour la salle de danse et une pour la salle de cinéma.

Sûrement suite à un bombardement, fin 1944, une autorisation fut obtenue pour recons-truire le plafond et le hall. Néanmoins, les places au balcon furent réduites à 157. Le dan- cing perdurait également ce qui n’empêcha pas de transformer une fois encore la scène en 1955.

La dernière projection eut lieu le 26 juin 1975. Le 11 février 1977, un permis fut octroyé pour convertir le lieu en un espace commercial avec un parking souterrain. Par la suite, un magasin de chaussures s’y installa et la façade fut entièrement dissimulée.

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Le Cinéma Christine 1976. Source : Inventaire du Patrimoine de Bruxelles, Irismonument.net

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